Lettre à une amie

Publié le par Eclipse

Tu me dis que nos inquiétudes, que j'estime légitime, quand à l'avenir de notre bout'chou, voudraient dire que nous pensons que sa vie ne vaudra pas la peine d'être vécue. C'est une pensée quelque peu radicale... Nous voulons nous battre pour qu'il puisse avoir une vie bien à lui, autonome, sans avoir à dépendre de personne, ni de nous, car nous ne serons pas toujours là, ni de son frère (car qui peut dire aujourd'hui s'il pourra, à tout niveau, assumer une telle responsabilité), et encore moins d'une quelconque institution. Ça ne veut pas dire que si Petit Prince n'est pas autonome plus tard, ça vie sera inutile mais ça voudra dire que son bien-être dépendra pour beaucoup de tierces personnes et c'est une situation que je ne souhaite à personne et surtout pas à mon enfant.


On porte tous notre croix, nos malheurs. Oui, c'est vrai, je ne connais pas en détails ou en profondeur la vie des gens que je croise. Mais qui a dit que nous devions porter seul nos fardeaux. J'ai des amis, une famille. J'attendais d'eux un peu de soutien et d'écoute. Très peu on su nous apporter cela. C'est dommage pour nous, pour Petit Prince. Partager un peu tout cela rendrait les choses moins lourdes moralement. Est-ce parce que l'on parle d'autisme, que les gens connaissent très peu de choses à ce handicap et que le pronostique vital de Petit Prince n'est pas engagé? Sans doute. Pourtant quelque part, je considère que sa vie se joue en ce moment. Peut-être pas cette semaine, ni demain, mais dans les 5 ou 10 ans qui viennent. J'ai lu des choses dramatiques concernant de jeunes adultes autistes peu ou mal pris en charge. Quel avenir pour eux? Internement psychiatrique et camisole chimique, parce qu'en France, on ne sait pas quoi faire d'autre. Alors qu'il y a tant à faire!


Faire le deuil de l'enfant parfait? L'enfant parfait pour moi, c'est l'enfant brun/blond/châtain... aux yeux bleus/verts... avec un QI de 150 qui joue au tennis comme Papa n'a jamais pu le faire ou qui a le physique que Maman n'aura jamais... Vouloir cet enfant là, c'est vouloir un enfant parfait. Vouloir un enfant en bonne santé, sans handicap physique, intellectuel ou neurologique, ce n'est pas vouloir un enfant parfait, c'est vouloir un enfant en bonne santé. C'est un peu trop facile de balancer aux parents d'enfants différents qu'ils doivent accepter le handicap de leur enfant et de les taxer d'eugénisme lorsqu'ils osent dire qu'accepter le handicap, c'est difficile, voir impossible. J'aime mon fils tel qu'il est. J'adore tout chez lui mais je souffre lorsque je le vois regarder sa main comme si c'était une chose étrangère à lui-même parce qu'il est hyposensible au toucher et qu'il ne sent pas correctement l'intégralité de son corps. Je souffre de savoir qu'il ne perçoit pas les lumières et les sons comme tout le monde et que cela risque de l'isoler du monde qui l'entoure.


C'est dur de voir que malgré l'attachement qu'ils ressentent l'un pour l'autre, le petit frère effraie souvent son grand frère par son imprévisibilité. C'est intolérable d'être parfois dans l'incapacité de savoir de quoi à besoin son enfant qui pleure parce qu'il ne sait pas identifier et exprimer des besoins aussi élémentaire que la soif ou la faim. Alors cet enfant on l'aime, on essaie de le protéger, de l'aider. Et parce qu'on accepte pas son handicap, on s'investit et quatre fois par semaine, on l'accompagne chez différents thérapeutes qui nous aide à trouver des pistes, des moyens pour qu'il apprenne à communiquer, à ressentir, à se repérer dans l'espace, à mieux contrôler son corps et ses mouvements, à comprendre enfin le monde qui l'entoure et auquel il appartient, afin de réduire au maximum ses angoisses, ses frustrations et rendre sa vie plus douce. Et chaque jour, on essaie d'appliquer à la maison, ce que nous parents, avons appris en thérapie. On salue les progrès du petit bonhomme, son courage, cette envie que l'on sent en lui de se surpasser pour monter seul sur cette chaise ou les efforts qu'il fait pour tolérer, juste cette fois, le bruit du micro-onde qui ronronne à peine.


Je pourrais parler longtemps des difficultés de Petit Prince, des symptômes qui sont les siens aujourd'hui, de ceux que l'on gère bien, de ceux qui lui posent plus de problèmes, de ceux qui disparaîtrons peut-être avec du temps et beaucoup de travail, de ceux qui risquent d'apparaître lorsqu'il va grandir mais il me faudrait des pages entières. Je ne m'aventure même pas sur le sujet de la culpabilité toujours présente, de l'impression que nous pourrions faire beaucoup plus mais que ce soir ou hier après-midi, on n'a pas eu l'imagination, l'énergie ou le courage de proposer une activité suffisamment stimulante ou apaisante...  


Je voudrais juste finir en disant qu'il s'agit un peu de nous, de nos vies, des sacrifices qu'il faudra faire mais qu'il s'agit avant tout de Petit Prince, de son bien-être, de son sourire qu'il ne doit pas perdre, de ce monde qu'il lui est vital, pour sa vie à lui, de découvrir et de comprendre.

 

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P
<br /> Ben ce texte aussi il est beau! Il est vrai qu'il y a des choses difficiles à accepter en tant que parents je trouve... Parce qu'elles touchent notre enfant. Je souffre de voir mon enfant qui ne<br /> supporte pas ses pairs, qui n'a jamais eu un seul ami... Et c'est pour le voir heureux et épanoui, pour qu'il puisse vivre de manière autonome qu'en tant que maman j'ai choisi de l'accompagner dans<br /> tout ça. Bravo Eclispe et mille bisous à Petit Prince<br /> <br /> <br />
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